J’ai vécu dans une grande ville, j’ai fréquenté l’un des meilleurs collèges du Brésil (du coup
j’ai eu un cours sur les bases des règles - ce qu’était ce sang, etc). Ma mère ne m’en
avait jamais parlé mais je savais que c’était un truc normal. Moi et mes amies on
n’avaient pas honte de raconter ça entre nous non plus. Mais bien sûr tabou complet d’en
parler aux garçons.
Le repérage de la moindre tâche était un problème de sécurité nationale ! Si on avait une
tâche, on la cachait en attachant un pull autour des hanches (même si on avait froid, pas
question de mettre le pull ! Et même en été, si on avait nos règles on apportait des pulls au
cas où). Si on n’avait pas de serviette ou s’il fallait en donner à des amis, on les cachait
comme si c’était de la drogue.
Une fois j’avais 16 ans et je passais un examen quand j’ai senti que mes règles étaient
arrivées. J’ai continué l’examen angoissée de la tâche que ça me ferait. Je suis sortie
super pressée à la fin de l’examen (même si j’étais dans un lycée privé qui me coûtait 1,5 smic
par mois, il n’y avait pas de serviettes dispos dans les toilettes, il fallait aller au
secrétariat en demander et parfois c’était un mec qui te donnait les serviettes du coup il y
avait le côté honte). Bref, je suis sortie super pressée pour prendre mon bus avant que
les gens de mon lycée remarquent ma tâche. Je mettais environ 45 min en bus pour arriver chez
moi plus 10 min de marche. Quand j’arrive à mon arrêt de bus, je vois une suuuper tâche sur le
siège. Pendant tout le chemin à pied je me sentais super mal, sale, je ressentais honte,
frustration, impuissance, vraiment « walk of shame », je marchais tête
baissée. Et là c’est la première fois que je raconte cette expérience. On vit toutes des
situations comme ça, mais on ne les raconte pas entre nous.
Au Brésil, je trouve que les gens ont beaucoup moins l’habitude de mettre des tampons qu’en
France, la règle c’est serviettes tout le temps. Il y a beaucoup de gens qui pensent que tu peux
pas mettre des tampons si tu es vierge, que ça va faire rompre ton hymen. Je pensais que les
tampons étaient interdits aux vierges jusqu’à ce que je lise dans un magazine d’ado que oui, les
vierges pouvaient mettre des tampons. Mais ça c’était bien trop tabou pour moi pour d’en
parler à ma mère (genre dans ma tête ma mère ne pouvait pas imaginer que je cogitais mettre mon
doigt dans mon vagin - on ne parle même pas de masturbation hein). Du coup je suis allée à la
pharmacie toute seule avec mon argent de poche m’acheter des tampons. J’ai lu les
instructions et j’ai galéré de ouf pour en mettre un (genre 30 min dans les toilettes) mais j’ai
réussi. Depuis, plus jamais la galère de me changer pour aller dans la piscine. C’était une
émancipation presque.
J’ai commencé mes études supérieures au Brésil et à la fac, la parole était bien plus libérée
(plus qu’à l’Insa de Lyon je trouve). Plus de honte, on connaît toutes la cup, etc etc,
c’est trop bien.
Janvier 2020